DE LA
DIFFICULTE DE NOTER
UNE INTERROGATION DE PHYSIQUE
ou
L'ART D'UTILISER UN BAROMETRE
L'anecdote remonte au début du siècle.
* * *
J'ai été sollicité par un collègue à l'occasion d'un
litige qui l'opposait à l'un de ses étudiants. Il estimait
qu'il méritait un zéro à une épreuve de physique, alors que
l'étudiant réclamait un 20/20 !
Après discussion, le professeur et l'étudiant s'étaient mis
d'accord pour s'en remettre à moi en tant qu'arbitre impartial.
Je lus la question d'examen :
" Montrez comment il est
possible de déterminer la hauteur d'un building à l'aide d'un
baromètre."
L'étudiant avait répondu :
" On porte le baromètre en haut du building, on lui
attache une corde, on le fait glisser jusqu'au sol. Ensuite on le
remonte et on mesure la longueur de la corde. "
Certes, l'étudiant avait raison, vu qu'il avait répondu juste
et complètement à la question. D'un autre côté, si on lui
attribuait une bonne note, il serait reçu à son grade de
physique alors qu'il n'avait pas fait preuve de connaissances en
la matière.
J'ai alors proposé d'offrir une seconde chance à l'étudiant
en lui donnant six minutes pour répondre à nouveau à la
question, et en spécifiant bien que, dans sa réponse, il devait
utiliser ses connaissances en physique.
Apres cinq minutes, il n'avait encore rien écrit. Je lui ai
demandé s'il voulait abandonner, mais il répondit qu'il y avait
beaucoup de réponses à ce problème et qu'il cherchait la
meilleure d'entre elles.
Je me suis excusé de l'avoir interrompu et lui ai demandé de
continuer.
Dans la minute qui suivit, il se hâta de rédiger :
" On place le baromètre a la hauteur du toit. On le
laisse tomber. On mesure son temps de chute avec un chronomètre.
Ensuite, en utilisant la formule: x=1/2gt2, on trouve la hauteur
du building."
J'ai demande à mon collègue s'il considérait la réponse comme
satisfaisante. Il me répondit par l'affirmative et donna une
note voisine de 20 à l'étudiant.
En quittant son bureau, je rappelais l'étudiant car il avait
dit qu'il avait plusieurs solutions au problème.
" Certes ! dit-il, il y a plusieurs autres façons de
calculer la hauteur d'un building avec un baromètre ! Par
exemple, on le place dehors verticalement lorsqu'il y a du
soleil. On mesure la hauteur du baromètre, la longueur de son
ombre et la longueur de l'ombre du building. Ensuite, par un
simple calcul de proportions, on trouve la hauteur du building.
"
"Bravo ! lui répondis-je, il y en a encore d'autres ?'
" Il y a une méthode assez basique que vous allez
certainement apprécier : on monte les étages avec le baromètre
et en même temps on marque la longueur du baromètre sur le mur.
En comptant le nombre de traits, on obtient la hauteur du
building en longueurs de baromètre."
" Bien sûr, si vous voulez une méthode plus
sophistiquée, vous pouvez suspendre le baromètre à une corde,
le faire balancer comme un pendule et déterminer la valeur de g
au niveau de la rue puis au niveau du toit. A partir de la
variation de g, la hauteur de l'immeuble peut être
calculée."
"Autre méthode : on attache le dit baromètre à une
grande corde et, à partir du toit, on le laisse descendre
jusqu'à peu près au niveau de la rue. On le fait balancer comme
un pendule et on calcule la hauteur du building à partir de la
période d'oscillation."
Finalement, il conclut :
" Il y a encore d'autres façons de résoudre ce
problème. Probablement la meilleure est d'aller au sous-sol, de
frapper à la porte du concierge et lui dire : " j'ai là un
superbe baromètre : il est à vous si vous me dites quelle est
la hauteur du building ! "
J'ai alors demandé à l'étudiant s'il connaissait la réponse que j'attendais. Il admit que oui mais qu'il en avait marre du collège et des professeurs qui essayaient de lui apprendre comment il devait penser...
* * *
L'étudiant ne serait autre que Niels Bohr -(Prix Nobel de
Physique en 1922)
et l'arbitre Ernst Rutherford -(Prix Nobel de Chimie en 1908)